
Poèmes de Ronsard (1984)
Durée : 25 mn Editeur : éditions Leduc
voix et orchestre de chambreCréation |
22 avril 1985 au Théâtre du Rond-Point (Paris) par Maxime Le Forestier et lEnsemble Orchestral de Paris, dir A L
Description |
1984 Poèmes de Ronsard pour voix et orchestre de chambre 25 mn Leduc
Création le 22 avril 1985 par l'Ensemble Orchestral de Paris
Voix: Maxime le Forestier direction: Alain Louvier
Texte de l'auteur :
Contrainte essentielle de la commande de l'Ensemble Orchestral de Paris: s'en tenir strictement à l'effectif de l'orchestre "Mozart". J'ai donc choisi une formation "douce", sans percussions, ni claviers, ni trompettes. L'orchestre (28 musiciens) se dispose symétriquement en 2 groupes, composés chacun de 4 violons, 2 altos, 2 violoncelles, 1 contrebasse, 1 flûte, 1 hautbois, 1 clarinette, 1 basson et 1 cor.
Au centre, le chanteur-récitant est amplifié, afin de pouvoir restituer les nuances les plus fines des textes de Ronsard.
En lisant les Amours de Ronsard ( plusieurs centaines de poèmes), j'ai perçu dans certains une grande actualité, voire un modernisme subtil dans le délicat archaïsme dela langue de l'époque. Ayant évité les innombrables références mythologiques devenues obscures pour nous, j'ai sélectionné 11 poèmes : 8 sonnets, des stances, une chanson et un... baiser.
Chez Ronsard, la poésie amoureuse, même dans sa précision descriptive, rejoint les grands thèmes éternels, mais néanmoins toutes les astuces sont bonnes pour convaincre d'aimer, même un tendre chantage.
Ne peut aimer Ronsard que celui qui sait encore regarder la nature, les fleurs et les oiseaux; il saura déceler alors le charme printanier d'un regard...
Ces 11 poèmes sont lus, parfois fredonnés sur une mélodie simple, rythmés ou modulés d'une manière précise. Chaque poème possède ainsi son style propre.
Cherchant une voix naturelle, aux inflexions nombreuses, à la douceur nécessaire d'une diction au service du texte et non de la voix elle-même, j'ai pensé immédiatement à Maxime Le Forestier, qui possède au plus haut point le sens poétique, l'exigence musicale, la curiosité devant la diversité des styles. Et puis l'expression poétique de l'amour le connaît bien, il est un des successeurs lointains du grand Ronsard.
Une grande partie de l'oeuvre fut écrite près de Vendôme, dans le moulin de Maxime Le Forestier, et achevée à Noël 1984; cette région du Blésois-Vendômois, proche du fameux château de Talcy, bien connue de Ronsard.
Louvier, que les hasards de la vie ont fait croiser la route du chanteur-compositeur de l'Éducation Sentimentale, s'est senti très proche de ses recherches textuelles.
Il est donc conduit à simplifier le chant, à diversifier les styles de récit, allant du parlé simple au chant disjoint, en passant par tous les intermédiaires imaginables; mais nageant avec un bonheur évident dans le paradis perdu des Amours , il s'adonne à une recherche subtile d'orchestration, au risque de tomber dans le figuralisme ou l'illustratif...
Textes de Ronsard et commentaires:
-1 - Marie, levez-vous ma jeune paresseuse
Ja la gaie Alouette au ciel a fredonné
Et ja le Rossignol doucement jargonné,
Dessus l'espine assis, sa complainte amoureuse.
Sus, debout! allon voir l'herbelette perleuse,
Et vostre beau rosier de boutons couronné,
Et vos oeillets mignons ausquels aviez donné
Hier au soir de l'eau d'une main si songneuse.
Harsoir en vous couchant vous jurastes vos yeux
D'estre plus-tost que moy ce matin esveillée :
Mais le dormir de l'Aube aux filles gracieux
Vous tient d'un doux sommeil encor les yeux sillée.
ça ça, que je les baise et vostre beau tétin
Cent fois, pour vous apprendre à vous lever matin.
Prosodie : petits groupes furtifs en parlé assez précisément modulé; graphismes évocateurs sur la partition ( dont un oeil ) ; les mots sont des cocottes en papier que l'on lance à la belle dormeuse...Le premier mot (Marie!) avant la musique; tout est tendre, frais et coquin dans ce poème, qui donne d'emblée le ton de l'oeuvre; les expressions soulignées pourraient être à double sens, mais aurions-nous l'esprit gaulois?
Musique : autour de l'accord diatonique la-si-do#-mi-fa#-sol#, une foule de décorations et guirlandes dans l'aigu : deux piccolos, hors tempo, dialoguent comme un couple d'oiseaux ( ils sont placés aux extrémités de la scène );
-2 - Chanson
Le Printemps n'a point tant de fleurs,
L'Automne tant de raisins meurs,
L'Esté tant de chaleurs hâlées
L'Hyver tant de froides gelées,
Ny la mer n'a tant de poissons,
Ny la Beauce tant de moissons,
Ny la Bretaigne tant d'arenes,
Ny l'Auvergne tant de fonteines,
Ny la nuict tant de clairs flambeaux,
Ny les forests tant de rameaux,
Que je porte au coeur, ma maistresse,
Pour vous de peine et de tristesse.
Prosodie : simple, comme une complainte, sur l'accord de septième majeure, mais avec néanmoins des graines de demi-tons.
Peu à peu, l'ambitus se restreint, les 2 derniers vers amenant une boucle sur 3 notes, et la convergence sur une nouvelle note : mi bémol.
Musique : un trio à cordes soliste qui fait entendre toutes sortes de sonorités sur la quinte ré-la....
-3 - Une beauté de quinze ans enfantine,
Un or frisé de meint crespe anelet,
Un front de rose, un teint damoiselet,
Un ris qui l'âme aux Astres achemine;
Une vertu de telle beauté digne,
Un col de neige, une gorge de lait,
Un coeur ja meur en un sein verdelet,
En Dame humaine une beauté divine;
Un oeil puissant de faire jours les nuis,
Une main douce à forcer les ennuis,
Qui tient ma vie en ses dois enfermée;
Avec un chant découpé doucement
Or' d'un souris, or' d'un gémissement:
De tels sorciers ma raison fut charmée.
Prosodie : cette évocation d'une belle adolescente est distinctement énoncée, en parlé libre, vers par vers, dans une zone musicale précise, ou dans des points d'orgue ("d'un ton émérveillé, quelque peu pressé et haletant, les syllabes soulignées un peu plus longues")
Musique : quadruple canon renversable entre 4 quatuors à cordes énoncant une série de 12 sons, issu de la Cantate de Rome 1967 ! )
Après ce riche tapis sonore, le dernier tercet est différent: la musique se dissout vers un accord "imparfait" en sol (intermédiaire entre majeur et mineur)
Interlude : glissandi de cors, cris d'oiseaux aux bois par couples, crescendo de la nature, apparition de la pulsation ternaire au chiffre 13, qui va bercer tout le poème suivant.
-4 - Ciel, air et vents, plains et monts decouvers,
Tertres vineux et forests verdoyantes,
Rivages torts et sources ondoyantes,
Taillis rasez et vous, bocages vers;
Antres moussus à demy-front ouvers,
Prez, boutons, fleurs et herbes rousoyantes,
Vallons bossus et plages blondoyantes,
Et vous, rochers, les hostes de mes vers!
Puis qu'au partir, rongé de soin et d'ire,
A ce bel oeil Adieu je n'ay sceu dire,
Qui pres et loin me detient en esmoy,
Je vous supply, Ciel, air, vents, monts et plaines,
Taillis, forests, rivages et fontaines,
Antres, prez, fleurs, dites-le luy pour moy.
Prosodie : cette énumération est unifiée par une cellule de 3 notes conjointes, pour les 11 premiers vers
Chant en intervalles très simples ( comme chez Brassens ) mais assez subtil rythmiquement
Musique : une pulsation à 9/8 est donnée par deux violons soli en pizz ( de couleurs différentes); c'est une étude d'harmoniques divisés, tenus, accentués, effleurés, glissés, en poudroiement, etc... jusqu' à la fanfare finale, sur fond de pizz-mandoline.
Interlude : "effets" de musique spectrale, entre son et souffle, le chanteur émettant des bribes de réminiscences à bouche fermée.
-5 - Quand je Vous Voy ou quand je pense en Vous,
D'un Frisson tout le cueur me Frétille,
Mon Sang S'esmeut, et d'un penser Fertile
Un autre croist, tant le Suget m'est dous.
Je tremble tout de nerfs et de Genous,
Comme la cire au Feu je me distile,
Ma raison tombe, et ma Force inutile
Me laisse Froid, Sans haleine et Sans pous.
Je Semble au mort qu'en la Fosse on déVale
Tant Je suis haVe, espouVantable et pale,
Voyant mes SenS par la mort Se muer :
Et toutefois je me plais en ma braise.
D'un mesme mal l'un et l'autre est bien aise,
Moy de mourir, et vous de me tuer.
Prosodie : "étude aux frissons"; texte murmuré au micro, dans un souffle exténué, moribond, en allongeant beaucoup les sifflantes et les labiales ( soulignées ); effet de bande son ralentie ; et comme d'habitude, le dernier tercet est opposé: la parole s'enflamme, crie, prolongée par les cors suraigus!
Musique : étude de frissons: silences colorés, souffles, frottements d'archets, multiphoniques fragiles, enrouement des contrebasses dans l'aigu, bisbigliandos des clarinettes, plaintes glissées des flûtes, mélanges de timbres arco, tremolo et derrière le chevalet, etc... c'est un vrai laboratoire d'expériences orchestrales; ainsi une percussion mate (violoncelles en pizz d' harmoniques qui n'existent pas ! ) soutient l'incendie des trilles à l'harmonie; enfin quelques mesures criardes, première touche de désespoir amoureux...
-6 - Baiser
Quand hors de tes lèvres décloses
(Comme entre deux fleuris sentiers)
Je sens ton haleine de roses,
Les miennes, les avant-portiers
Du baiser, se rougissent d'aise,
Et de mes souhaits tout entiers
Me font jouyr quand je te baise.
Car l'humeur du baiser appaise,
S'escoulant au coeur amoureuse braise,
Dont tes yeux allumoient le feu.
Prosodie : peut-être un souvenir du rôle du Truchement dans les Tréteaux de Maître Pierre de Manuel de Falla, qu'Alain Louvier dirigea 5 fois .... et aussi un aimable sacrilège :
"comme une litanie accélérée "
Musique : le chef suit la litanie, une harmonie pousse autour de la tierce initiale, et brutalement explose.
-7 - Que de Beautez, que de Graces écloses,
Voy-je au jardin de ce sein verdelet
Enfler son rond de deux gazons de lait,
Où des Amours les fleches sont encloses !
Je me transforme en cent métamorfoses,
Quand je te voy, petit mont jumelet,
Ains du printemps un rosier nouvelet,
Qui le matin caresse de ses roses.
S'Europe avoit l'estomach aussi beau,
Sage, tu pris le masque d'un taureau,
Bon Jupiter, pour traverser les ondes
Le ciel n'est dit parfait pour sa grandeur :
Luy et ce sein le sont pour leur rondeur,
Car le parfait consiste en choses rondes.
Paroles et musique : ce sonnet, d'un érotisme délicat, se situe dans la lignée des blasons du corps féminin, très en vogue à l'époque. Mais Ronsard, tout en s'adonnant à une description d'une précision maniériste, termine par une pensée cosmologique... le sein de la Dame et les planètes autour de leur étoile relèvent donc de la sphère parfaite, et de son centre
Une double ligne mélodique figure les bords d'un cercle et son centre, sur fa...
Les ronds, demi-ronds, quarts de rond sont présents partout, à toute échelle, dans le détail de l'écriture; il est d'ailleurs utile d'expliquer cette histoire de cercle aux interprètes, afin qu'ils ne jouent pas des triangles...
Le récitant change de style 3 fois :
- les quatrains en chanté/parlé très modulé, d'un ton précieux...
- le 1er tercet à bouche fermée, en pensant le texte rythmé (solution finalement préférable, par son astuce ludique, à une suppression pure et simple pour cause de Mythologie)
- le 2ème tercet chanté, aboutissant sur le do#, note aigue expressive du chanteur, qui sera la teneur du 11ème poème.
Enfin l'orchestre reprend un cercle en tutti (aidé par le tempo rall-accel).
Transition en "sillon fermé" sur le dernier vers, qui se "crashe" littéralement sur le poème suivant..
-8 - Cruelle, il suffisoit de m'avoir pouldroyé,
Outragé, terrassé, sans m'oster l'espérance :
Tousjours du malheureux l'espoir est l'asseurance,
L'amant sans espérance est du tout fouldroyé.
L'espoir va soulageant l'homme demi-noyé ;
L'espoir au prisonnier annonce délivrance ;
Le pauvre par l'espoir allege sa souffrance :
A l'homme un plus beau don le Dieux n'ont octroyé.
Ny d'yeux ny de semblant vous ne m'estes cruelle ;
Mais par l'art cauteleux d'une voix qui me gelle
Vous m'ostez l'espérance et desrobez mon jour.
O belle cruauté, des beautez la première,
Qu'est-ce parler d'amour sans point faire l'amour,
Sinon voir le Soleil sans aimer sa lumière ?
Paroles et Musique : une rage terrible, un pamphlet contre la cruauté de la Dame : grande intensité dramatique, mais presque sans voix. 3 épisodes:
- les 2 quatrains : lus entre des couperets du tutti fff , les mots espoir ou espérance déclenchant des réservoirs de pizz discrets..
- 1er tercet : arrivée de l'ostinato rythmique 3/4+3/8
Le chant glisse sans fin comme une psalmodie pleureuse
- 2ème tercet : comme un cri du coeur (Quel paroles assassines! Qui peut résister à Ronsard?)
L'idée de soleil amène la reprise, réorchestrée, d'un passage de la Cantate 1967, sur l'ostinato.
Interlude : retour des chants d'oiseaux, évidemment imaginaires ( respect pour Messiaen...) mais en suivant la règle énoncée par les ornithologues: chaque oiseau n'entend que ses congénères ; il y aura donc 4 couples dans les .... bois
-9 - A mon retour (hé, je m'en désespère)
Tu m'as receu d'un baiser tout glacé,
Froid, sans saveur, baiser d'un trespassé,
Tel que Diane en donnoit à son frère,
Tel qu'une fille en donne à sa grand'mère,
La fiancée en donne au fiancé :
Ny savoureux, ny moiteux, ny pressé.
Et quoy, ma lèvre est-elle si amère ?
Hà, tu devrois imiter les pigeons
Qui bec en bec de baisers doux et longs
Se font l'amour sur le haut d'une souche.
Je te suppli', Maistresse, désormais
Ou baise moy la saveur en la bouche,
Ou bien du tout ne me baise jamais.
Prosodie : bel exercice de solfège parlé ( le plus difficile finalement pour un chanteur!) : un débit haché, saccadé, sur un fond de fausse marche funèbre ; l'intonation relative est indiquée, assez sommairement : le résultat doit être anti-naturel, tant la prosodie rythmique heurte le Français.
De temps à autre, une évocation anachronique ( très cage aux folles...)
Le dernier tercet, assez osé, est émis dans des silences de l'orchestre ( "comme un drogué en état de manque").
Musique : on supplée à l'absence de percussions : tout le monde fait de l'"extra-instrumental", dans le frappé ( coups ou trilles des phalanges derrière l'instrument à cordes, paume sur l'embouchure des cors, bruits de clés ) , dans le râclé ( crin appuyé ) , dans le souffle aussi.... les quelques sons purs isolés n'en ressortent que mieux... ainsi l'évocation des pigeons "bec en bec"
-10 - Stances
Quand au temple nous serons
Agenouillez, nous ferons
Les dévots selon la guise
De ceux qui pour louer Dieu
Humbles se courbent au lieu
Le plus secret de l'Église
Mais quand au lict nous serons
Entrelassez, nous ferons
Les lascifs selon les guises
Des Amans qui librement
Pratiquent folastrement
Dans les draps cent mignardises.
Pourquoy donque quand je veux
ou mordre tes beaux cheveux,
Ou baiser ta bouche aimée,
Ou toucher à ton beau sein,
Contrefais-tu la nonnain
Dedans un cloistre enfermée ?
Pour qui gardes-tu tes yeux
Et ton sein délicieux,
Ton front, ta lèvre jumelle ?
En veux-tu baiser Pluton
Là-bas, après que Charon
T'aura mise en sa nacelle ?
Après ton dernier trespas,
Gresle, tu n'auras là bas
Qu'une bouchette blesmie :
Et quand mort je te verrois,
Aux Ombres je n'avou'rois
Que jadis tu fus m'amie.
Ton test n'aura plus de peau,
Ny ton visage si beau
N'aura veines ny artères ;
Tu n'auras plus que les dents
Telles qu'on les voit dedans
Les testes de cimeteres.
Donque tandis que tu vis,
Change, Maistresse, d'avis,
Et ne m'épargne ta bouche :
Incontinent tu mourras,
Lors tu te repentiras
De m'avoir esté farouche.
Ah, je meurs ! Ah, baise moy !
Ah, Maistresse, approche toy !
Tu fuis comme un Fan qui tremble :
Au-moins souffre que ma main
S'esbate un peu dans ton sein,
Ou plus bas, si bon te semble.
Le compositeur sélectionna très tôt cette extraordinaire composition poétique de 8 strophes de 6 vers de 7 pieds, qui raconte une histoire de chantage amoureux dont Ronsard est le grand spécialiste ( "Tu n'auras plus que les dents"...), tout en faisant des variations sur le même thème...
Il y aura donc 8 versions/variations contrastées, de la même rengaine: faux thème populaire qui change de mode à chaque strophe, devenant tour à tour
1- faux dévot ( orchestre-harmonium)
2- primesautier ( sur un scherzo en boucle )
3- ondoyant et sensuel ( la chevelure...) suivi d'un grégorien-épouvantail (Pourquoy .... contrefais-tu la nonnain? )
4 - moqueur ( instruments guettant les paroles )
5 - litanique, sur pédale de ré, avec décorations furtives de hautbois et bassons
6- imprécateur ( accélérés sur une note ) pendant que les cordes descendent des guirlandes en 1/4 tons
7 - vainqueur, ou presque : la rengaine se renverse, devient trépignante, pendant que le chef ne s'occupe que d'un terrifiant accéléré du tutti... rendez-vous au point d'orgue.
8- éperdu, par saccades, lançant des incongruités entre les borborygmes de l'orchestre ; la voix de fausset est utilisée, et le dernier vers, le plus osé, est dit dans un murmure, dans le plus total silence.
Dans ces Stances, il faut un chef très expérimenté, pour éviter l'étirement, tendance naturelle en l'absence de métrique exacte: un peu comme dans le récitatif mozartien.
-11 - Doux fut le trait qu'Amour hors de sa trousse
Tira sur moy; doux fut l'acroissement
Que je receu dès le commencement
Pris d'une fiebvre autant aigre que douce.
Doux est son ris et sa voix qui me pousse
L'esprit du corps plein de ravissement,
Quand il lui plaist sur son Lut doucement
Chanter mes vers animez de son pouce.
Telle douceur sa voix fait distiler,
Qu'on ne sçauroit qui ne l'entend parler,
Sentir en l'âme une joye nouvelle,
Sans l'ouïr, dis-je, Amour mesme enchanter,
Doucement rire, et doucement chanter,
Et moy mourir doucement auprès d'elle.
Prosodie : l'admirable musique du poème ne peut qu'entraîner le musicien : les 9 "doux", ainsi que les "pouces" soulignés partent du do# médium-aigu, fragile et émouvant dans la tessiture de Maxime Le Forestier, comme le basson du Sacre du Printemps. Il ne reste plus qu'à se laisser glisser doucement du do#, et d'y remonter quand le mot revient.
Musique : un petit ensemble de 9 musiciens ( trio à cordes, 2 flûtes, 2 clarinette en la, 2 bassons ) commente et soutient la voix, voltigeant autour du do#; le hautbois vient chanter les deux derniers vers
Postlude : retour de la musique du début, avec des bribes du texte, et des souvenirs; le coucou ( au piccolo) vient perturber la tendre dispute ; dernière excitation avant la cadence récapitulatrice du violon, sur pédale de ré, qui s'envole dans les harmoniques; derniers ramages d'oiseaux ...
pour vous apprendre à vous lever matin.....
2 sons de piccolo, à gauche, à droite, 10 secondes de silence
"rester figé, avec une expression tendre et indulgente"
ce n'était qu'un rêve de la belle dormeuse.
Ces Poèmes de Ronsard tiennent une place à part dans la production d'Alain Louvier; rien n'y paraît calculé a priori, même si on reconnaît quelques techniques d'écriture, quelques styles harmoniques... la spontanéité est manifeste, et aussi une certaine jubilation venue tout droit de son enfance.
Ecoute d'un extrait sur le site du CDMC