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Casta Diva(1980)

Editeur : inédit

spectacle musical et chorégraphique
Création    

à l’IRCAM du 18 mars au 5 avril 1980 , chorégraphie de Maurice Béjart

Description    

1980 Casta Diva 1h 25 mn inédit

 

Texte, mise en scène et chorégraphie, Maurice Béjart

Collaboration artistique, Maria Casarès

Musique (commande de Vasso Devetzi pour l'Ircam), Alain Louvier

Réalisation sonore par ordinateur, James Andy Moorer

Décors et lumières, Alan Burrett

Costumes Issey Miyake et Tomio Mori

Masques, Erhard Stiefel

Marionnettes, Patrick Chaboud

 

Le Maître du Geste (Jules), Yann Le Gac

La Marionnette ( M. A...), Alain Louafi

La Maître de la parole (Maurice), Maurice Béjart

Deux Acolytes, Vincent Brodin et Jean-Claude Bonnifait

 

Patrice Bocquillon et Renaud François, flûtes

Dominique Probst, percussion

Michel Strauss, violoncelle

Bande sonore réalisée à l'IRCAM avec les voix de Ludmilla Michaël et de Maurice Béjart,

la participation d'Alain Louvier, clavecin et des solistes de l'Ensemble Intercontemporain.

 

Régie générale Jean-Louis Aichhorn

Direction technique Alexis Barsacq

Régie son Benjamin Bernfeld et Didier Arditi

Régie décors et machinerie, Guy Coslado

Régie éclairages Marc Gomez

Assistante aux costumes, Brigitte Guilloux

Coproduction IRCAM - Antenne 2 - Spectacles ALAP-Lumbroso - Fondation du Japon.

 

Création mondiale à l'IRCAM du 18 mars au 5 avril 1980

 

C'est de 1964 que date la première idée de ce spectacle dans la pensée de Maurice Béjart. Plus le temps passe, comme une vague recouvre le sable....

Mais une actrice imprévue vient brutalement tirer le rideau: le 16 septembre 1976, Maria Callas retrouvait la Chaste Lune qu'elle avait tant chantée, tant dévoilée....

Une vague....

En février 1979, Maurice Béjart assiste à un atelier de Hans Zender dans l'Espace de Projection de l'IRCAM. Séduit par la flexibilité scénique et acoustique de la salle, il propose alors à Pierre Boulez d'y monter un spectacle mettant en scène et en musique un de ses propres textes et utilisant le potentiel technique de l'IRCAM. Ce sera Casta Diva...hommage musical à cette voix qui était un théâtre....

 

En scène, trois personnages qui en sont deux.

D'une part, M. A..., figurant "l'arrogance et les doutes de la vraie vedette", les difficultés d'être et les émulsions mentales du comédien au bord de lui-même et au bord de l'Autre qu'il doit être, ou plutôt "par-être" - personnage dédoublé en un danseur masqué, désarticulé comme une marionnette, dont la voix est parlée par Maurice Béjart, en position de lecteur à la frontière de l'espace scénique.

D'autre part, Jules, serviteur, confident, alter ego de M. A... et en même temps maître de la "marionnette", vêtu du costume des combattants du sabre japonais, rôle confié au danseur Yann Le Gac.

Autour d'eux, deux assistants qui tiennent le rôle de ce que sont les kurokos dans le théâtre japonais (personnages en noir qui agissent beaucoup et dont la présence - muette mais indispensable - s'oublie), quelques machines, dont une sorte de mystérieux transistor d'où sortent des appels "Maurice", tour à tour langoureux, maternels, grondeurs ou amusés, enregistrés par Ludmilla Michaël.

Sur scène, 4 instrumentistes ( 2 flûtistes, un violoncelliste et un percussionniste ), habillés somptueusement par Miyake en musiciens traditionnels japonais, et qui participent directement au spectacle.

Tout ce spectacle, basé sur le thème de l'avènement du comédien et de sa déperdition d'identité à travers le miroir de ses rôles, dessine le progressif envahissement de l'espace de la "marionnette" par le "lecteur", jusqu'à l'élimination de celle-ci, tout comme le texte de Béjart est peu à peu mangé de citations et d'extraits ( de Molière à Shakespeare, de Baudelaire à Corneille, de Wilde à Kleist) - Maurice Béjart prenant, au-delà de la métaphore, la place de la marionnette dans un final où, transformé lui-même en une sorte d'immense marionnette kabuki (cothurnes, tiges prolonge-bras, sept kimonos superposés), il se retrouve, transcendé, en se perdant dans cette image magnifiée du théâtre, avec en filigrane la forme la plus fascinante du théâtre: l'OPÉRA...

C'est l'heure d'entrer en scène... rien n'aura lieu, que le lieu

( extraits du programme d'Alain Duault )

 

La musique d'Alain Louvier, outre les 4 musiciens présents sur scène ( le percussionniste ayant un rôle scénique, voire sportif, important...) consiste en 2 bandes magnétiques se déroulant indépendamment : l'une (mono) venant de la "machine", et l'autre (stéréo) spatialisée en direct ( le compositeur était à la console ).

De nombreux matériaux se côtoient dans cette partie électro-acoustique, mixée à l'IRCAM avec des magnétophones 16 pistes:

- trames orchestrales enregistrées par l'Ensemble Intercontemporain

- sons concrets et vocaux

- sons "analogiques" traditionnels, produits par des synthétiseurs.

- sons calculés par l'ordinateur PDP 10 de l'IRCAM avec le programme de synthèse Music V mis au point par Jean-Claude Risset.

- voix de Maurice Béjart transformée ou multipliée...

 

La précision de ces sons, ainsi que l'emploi instrumental du 1/4 de ton, de divisions égales de l'octave en 5, 7 ou en nombres irrationnels, donnent un caractère "inouï" à certains complexes harmoniques, un côté étrange aux "mélodies" d'ordinateur.

Mais l'aspect réellement novateur dans la musique est certainement la transformation des voix par des programmes d'analyse mis au point par J. Moorer et qui feront date dans l'histoire de la synthèse numérique de la voix. Ces programmes, tout d'abord développés au Stanford Center for Computer Resarch in Music and Acoustics, ont été perfectionnés à l'IRCAM, et permettent de modifier tous les paramètres (hauteur, durée, polyphonie... ) de la voix enregistrée, sans lui faire perdre son identité reconnaissable...

Deux exemples frappants imaginés par Alain Louvier:

- la transformation du parlé modulé vers une polyphonie psalmodiée, où 4 voix de Béjart dans des registres divers disent la tirade de Hamlet sur les comédiens...la scène étant réalisée en marionnettes.

- Maurice Béjart récitant en play back la fable de La Fontaine le Corbeau et le Renard en butant sur "il ouvre un large bec" en sillon fermé et éventail harmonique, l'ordinateur ayant supprimé toute respiration... l'effet était saisissant.

 

C'est à la suite d'un stage d'initiation à la computer music, pendant l'été 1979, que Louvier fut désigné pour écrire la musique de ce spectacle, ce qui occupa ses jours et ses nuits pendant 8 mois environ; précisons qu'à cette époque, l'ordinateur central de l'IRCAM, un PDP 10 Digital occupait toute une pièce, fonctionnait en temps partagé, et mettait souvent 20 mn de calcul pour un son de cloche de 12 " .... mais allait plus vite à 4heures du matin.

 

Les recherches micro-intervalliques de Louvier trouvent là un moyen d'investigation puissant, malheureusement limité en rapidité par l'absence totale de clavier à l'IRCAM ( sorte de dogme à cette époque ).

Le programme Music V, basé sur la synthèse additive, convient bien à l'oreille d'un musicien formé à l'harmonie et à la polyphonie. Les mélodies en 1/7 d'octave ( variations fines sur les vocalises de Bellini ) , les timbres quasi-vocaux réalisés par emploi des interférences ou du random, enfin la somptueuse polyphonie de 16 trames dans le final, mélangeant toutes sortes de sons d'origines diverses ( et même la voix du compositeur! ), et réalisant, contre tout dogme IRCAM, un joyeux oecuménisme basé sur la seule oreille, ont pu étonner les responsables de l'Institut de Recherche Acoustique/Musique.... mais il est dommage, après ce coup d'essai, qu'Alain Louvier n'ait pas eu le temps et le courage de continuer ces recherches.

 

Précisons qu'en 1980, il bénéficie d'une Bourse de recherche d'un an du Ministère de la Culture, mais que le Maire de Boulogne-Billancourt, Georges Gorse, lui demande instamment de couper en deux périodes cette "année sabbatique", afin de pouvoir être présent aux rentrées scolaires du CNR.

 

Dans la deuxième partie de ce congé, Alain Louvier retourne à l'IRCAM pour poursuivre sa recherche théorique sur les modes en micro-intervalles; cela lui servira pour la bande magnétique du Concerto pour Orchestres (1982); mais aussi pour composer des vocalises-tests en 1/4 de ton ou 1/14 d'octave, que la Maîtrise de Radio-France reproduira assez fidèlement ( travail préparatoire à et Dieu créa l'Enfant )

 

Video 2e partie : https://youtu.be/XoXyx5RHb2c